jeudi 12 janvier 2017

Laget. Le ciel est un grand timide, extrait





« Je me surprends parfois à désirer la mort, parce qu’elle mettrait un point final à une phrase qu’il est fatigant de voir se développer, avec des incidentes et des parenthèses en pa­gaille, sans qu’on en connaisse jamais vraiment le sens ni la conclusion, comme dans ces langues où le verbe est rejeté à la fin de la phrase et où il est si difficile de couper la pa­role à celui qui parle. Si la vie n’était pas si ré­pétitive et décevante, on pourrait se faire à l’idée de l’éternité, mais la mort est bien la meilleure solution qu’on ait trouvée à nos mal­heurs, et pourvu qu’elle ne soit pas le terme d’une trop longue et trop douloureuse agonie, il n’y a rien que de très souhaitable en elle, et, même quand on aime la vie, on ne doit voir approcher sa fin qu’avec la gratitude de celui qui referme un roman qu’il a aimé, et qui ne souffrirait pas qu’on en ait arraché les der­nières pages. »


Thierry Laget
in Le ciel est un grand timide,
chap. XXXIX, Fario Éditeur, p.119.






Thierry Laget, mémorialiste de sa propre vie et de ses pensées, comme Leopardi le fut des siennes dans son Zibaldone, nous livre, avec ces éphémérides, quelques points de sa triangulation sentimentale, dans leurs rapports avec la mémoire, le rêve, la littérature… Si les éphémérides sont des almanachs où bruissent « des voix qui se sont tues », grâce à ce livre, le lecteur feuillettera un quotidien aux paysages historiés, un calendrier aux heures ourlées d’or.


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