lundi 21 août 2017

Mirbeau. La grève des électeurs






Ô bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hère, si, au lieu de te laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t'arrêter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes ; si tu lisais parfois, au coin du feu, Schopenhauer et Max Nordau, deux philosophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-être apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-être aussi, après les avoir lus, serais-tu moins empressé à revêtir ton air grave et ta belle redingote, à courir ensuite vers les urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d'avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d'humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est à l'envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n'as rien à y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des destinées humaines.



Octave Mirbeau

in La Grève des électeurs
1888

 





La Grève des électeurs est le titre d’une chronique, d’inspiration clairement anarchiste, d'Octave Mirbeau, parue le 28 novembre 1888 dans Le Figaro





ci-contre: O.Mirbeau



2 commentaires:

  1. Certes, certes...
    Et la dernière mystification électorale du 7 mai apporte de l'eau sous le pont de Mirbeau.

    Mais une question demeure, qui laisse coi le bon Gustave et ses semblables depuis.

    Quelle règle du jeu permet-elle de "tenir" dignement... ensemble ?

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  2. Je note que mon grand-père qui n'avait que 7 ans lorsque Octave écrivait cette chronique ressentait, comme tout petit Français de l'époque, la notion de la dignité du citoyen.
    Rien n'aurait changé de ce côté-là, à votre avis, Jacques ?
    Attention, nous savons tous lire aujourd'hui. Nous savons formuler nos réclamations. Nous avons développé un SENS CRITIQUE lequel, je l'espère, nous enrichit et nous unit encore + qu'il y a 129 ans.

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