samedi 30 décembre 2017

MOT VALISE — 3 —



Petit retour  (— 3 —)  sur les mots valises, ces enfants illégitimes nés de la contraction de deux ou plusieurs mots en un seul, espace de liberté où les hybridations les plus baroques sont permises. 





shlalom :  vieille coutume juive qui consiste à dire bonjour chaque fois que l'on passe une porte.



MOT VALISE — 2 —






Petit retour  (— 2 —)  sur les mots valises, ces enfants illégitimes nés de la contraction de deux ou plusieurs mots en un seul, espace de liberté où les hybridations les plus baroques sont permises. 

"L'absence c'est Dieu. Dieu, c'est la solitude des hommes." 
J.P.SARTRE    
In Le Diable et le bon dieu
1951


Absenthéisme : doctrine religieuse qui affirme que Dieu existe, mais qu'il n'est pas là en ce moment.




Dieu, c'est la solitude des hommes




DALI
Etre Dieu

Etre Dieu est un opéra poème écrit en 1927 par Dali (avec Federico Garcia Lorca), sur une musique dont il confie la composition à Igor Wakhevitch beaucoup plus tard, en 1974. Pendant l'enregistrement Dali a refusé de suivre le texte de Montalban (avec qui il avait écrit le livret) et a improvisé. Au motif que "Dali ne se répète jamais" dixit l'intéressé.














vendredi 29 décembre 2017

Louise de Vilmorin. A l'envers de ma porte







A l'envers de ma porte

Ma peur bleue, ma groseille,
L’amour est une abeille
Qui me mange le cœur
Et bourdonne à ma bouche
Que tu nourris et touches
Des baisers du malheur.

Mon ange sans oreilles,
Ma peur bleue, ma groseille,
Ne viendras-tu jamais
À l’envers de ma porte ?
Es-tu de cette sorte
Ange sourd et muet ?

Tes mains sans teint, polies
Au jeu de tes folies,
Se mouillent à mes yeux
Et tu ris de ces fleuves
Où naviguent mes vœux
Parmi tes robes neuves.

Ne me donneras-tu
Que ton chapeau pointu
À porter ma sorcière,
Et nul autre baiser
Que ces nids de danger
Et ces ruches entières ?

Ne me permets-tu pas
De t’enlever tes bas
À l’envers de ma porte ?
Je veux voir tes pieds nus
Et les abeilles mortes
Du bonheur revenu.

Mon ange sans oreilles,
Ma peur bleue, ma groseille
Posée sur mes désirs,
Ma chambre est grande ouverte
Que coupe l’allée verte
Par où tu dois venir.

Ma peur bleue, ma groseille,
Viens à fleur de mes veilles
Et que tombe le jour
À l’envers de ma porte.
Et que le vent emporte
Le chemin du retour.



Louise de Vilmorin
In Fiançailles pour rire
1939



MAC-AVOY
Portrait de Louise de Vilmorin, 1970

jeudi 28 décembre 2017

Dobzynski. Mère indéfinissable






Mère indéfinissable




Ta mère ne fut pas ta mère
m'a avoué l'après ou l'à-suivre
de sa mort.
Pas tout à fait
celle que j'ai connue
qui me fila ombre dans l'ombre
femme d'âge peu certain
d'état-civil invalidé
de naissance irrésolue
entre deux villes mal nommées,
Ensevelie dans son visage
avec ses cheveux blancs
pour linceul
Et ses yeux gris sortent de terre
pour m'attacher vivant
à l'indéfinissable
à l'indécis
où elle émigré
pour la deuxième fois.


Charles Dobzynski



déjà publié du même auteur




mercredi 27 décembre 2017

MERIMEE. La dictée






"Blanquer annonce une dictée quotidienne en primaire"



                  La dictée faisait partie des passe-temps de la cour de l'empereur Napoléon III. Mythe ou réalité, la dictée attribuée à Mérimée a mis à l'épreuve les souverains ainsi que leurs invités.
                                Napoléon III commit 75 fautes, l'impératrice Eugénie, 62, Alexandre Dumas fils, 24. Seul un étranger, le prince de Metternich, ambassadeur d'Autriche, n'en fit que 3.
 Voici le texte de "la fameuse dictée" publiée par Léo Claretie en 1900.


La fameuse dictée :

Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l'amphitryon, fut un vrai guêpier.

Quelles que soient et quelqu'exiguës qu'aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu'étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d'en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis et de leur infliger une raclée alors qu'ils ne songeaient qu'à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu'il en soit, c'est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s'est laissé entraîner à prendre un râteau et qu'elle s'est crue obligée de frapper l'exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés, une dysenterie se déclara, suivie d'une phtisie.

- Par saint Martin, quelle hémorragie, s'écria ce bélître ! À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l'église tout entière.



La dictée du bicentenaire de Mérimée :

En septembre 2003, en hommage à Mérimée, Bernard Pivot a créé la dictée de Compiègne du bicentenaire de Mérimée, texte qui est publié dans l'ouvrage de Françoise Maison, La Dictée de Mérimée, Château de Compiègne, Séguier, 2003, 64p.


La dictée de Bernard Pivot :

NAPOLÉON III : MA DICTÉE D'OUTRE-TOMBE 


Moi, Napoléon III, empereur des Français, je le déclare solennellement aux ayants droit de ma postérité et aux non-voyants de ma légende : mes soixante-quinze fautes à la dictée de Mérimée, c'est du pipeau ! De la désinformation circonstancielle ! De l'esbroufe républicaine ! Une coquecigrue de hugoliens logorrhéiques !
Quels que soient et quelque bizarroïdes qu'aient pu paraître la dictée, ses tournures ambiguës, Saint-Adresse, la douairière, les arrhes versées et le cuisseau de veau, j'étais maître du sujet comme de mes trente-sept millions d'autres. Pourvus d'antisèches par notre très cher Prosper, Eugénie et moi nous nous sommes plu à glisser çà et là quelques fautes. Trop sans doute. Plus que le cynique prince de Metternich, à qui ce fieffé coquin de Mérimée avait probablement passé copie du manuscrit.
 En échange de quoi ?
 D'un cuissot de chevreuil du Tyrol ?

__________________________________________

Une petite uchronie


LE GUÊPIER DE MÉRIMÉE 

À la cour de Napoléon III, Prosper Mérimée fut une sorte de phare de savoir et d’intelligence. Par un  après-midi pluvieux de 1857, pour distraire les beaux esprits assemblés au château, l’auteur de Carmen eut l’idée saugrenue de leur soumettre une dictée… Quelques lignes seulement, mais qui offraient une terrifiante concentration d’écueils parmi les plus imparables de l’orthographe française !  Cris, effrois, la plupart des courtisans se désistèrent : ils refusaient de se ridiculiser publiquement pour des participes passés trop complexes. Pourtant, un petit groupe suivit l’empereur et l’impératrice, décidés à tenter l’épreuve pour ne pas paraître lâches aux yeux de leurs sujets. Réunis autour d’une grande table, dont l’usage fut pour l’occasion détourné de son service de la chère, les courageux participants aiguisèrent leur plume. Aucun d’entre eux ne bayait aux corneilles : il s’agissait plutôt de se remémorer, en un tournemain, règles d’accord et conjugaisons étudiées quelques décennies plus tôt. Mérimée commença à dicter lentement un texte où il était entre autres question d’arrhes réglées. À ces mots-là, non qu’elle voulût provoquer d’esclandre public, mais l’impératrice renâcla : — Monsieur, vous vous moquez de nous ! Bientôt, les derniers mots de la dictée tombèrent. Quelle qu’eût été la difficulté du texte, Mérimée accorda à peine un tour de clepsydre aux concurrents pour se relire. Puis il ajusta ses bésicles dorées et se mit à corriger sur-le-champ… — Que de fautes ! Que de fautes ! ne cessait-il de répéter, comme s’il eût été atteint de psittacisme. Pour autant, la sentinelle du bien-dire se vit plusieurs fois obligée de se reporter au texte pour s’assurer d’une graphie correcte. Enfin, Mérimée proclama les résultats : — Le lauréat est le prince Richard de Metternich avec seulement trois fautes ! Ainsi donc, le plus féru en orthographe et sémantique françaises était ce diplomate viennois, ambassadeur à Paris de l’empire d’Autriche. L’Empereur, dit-on, avait aligné quelque quarante-cinq fautes et l’impératrice quelque soixante-deux… Quant à Alexandre Dumas fils — qui avait quand même malmené l’orthographe à vingt-quatre reprises —, il se montra beau joueur et alla serrer la main du gagnant… 


      Bonnes dictées, bonnes vacances !

mardi 26 décembre 2017

MOT VALISE — 1 —






La Tour de Babel vue par Pieter Bruegel l'Ancien en 1563



Quid ? :

Prenez un mot de la langue. Choisissez-le de préférence assez long. Mais ce n’est pas obligatoire. Oubliez le sens, pour ne vous attacher qu'à sa physionomie. Lentement, patiemment (ceci est un jeu dominical), dévisagez votre vocable. Si la chance vous sourit, un mot surgira dans votre esprit qui présente avec le premier quelque trait de ressemblance. Alors commence l'opération délicate : il faut que les deux termes fusionnent ; vous devez les croiser afin que naisse de cette union un petit bâtard bizarre (puisqu'il ne se rencontre dans aucun dictionnaire vivant) et familier (puisqu'on reconnaît en lui la présence des deux mots d'origine). Il est des hybridations impossibles, mais, au cas où vous réussiriez, dites-vous bien, gros balaise, que votre beau malaise a fait un mot valise.
Mais ne vous laissez pas étourdir. Le jeu continue. Cherchez maintenant une définition à ce terme inédit. En mélangeant les significations des mots qui sont enfermés dans votre valise, vous ferez advenir un sentiment compliqué, une réticence impalpable, un animal chimérique, ou un concept fou.




Mise en pratique :



Alloquacité : plaisir de papoter au téléphone des heures durant.
 

Bahuri : lycéen appliqué.
 

Cafardeux : couple qui s'ennuie.
 

Déprimailleur : poète macabre.
 

Styllusion : apparence de qualité produite dans certains textes par l'accumulation d'adjectifs rares.
 

Toutriste : voyageur parti à l'aventure, et auquel il n'est absolument rien arrivé.
 

Vacalme : tumulte intérieur dissimulé derrière un visage serein.




lundi 25 décembre 2017

Maurice CAREME. Nuit de Noël




Nuit de Noël
 


La terre est noire ;
L’église, blanche.
Que cache-t-elle
Pour être ainsi
Tellement belle
Dans l’air noirci ?
Rien qu’un enfant
Qui vient de naître
Entre deux bêtes
Si ingénues
Que, dans leur  l’ombre,
Il tient le monde
Dans son poing nu.

 



Maurice Carême 

Tambour battant




La terre est noire ;
L’église, blanche.(...)


Nicolas de Staël
Paris la nuit, 1954

*   *   *

Dans la religion chrétienne
L’iconographie de la Nativité comprend trois parties : les Préludes, c'est-à-dire les épisodes antérieurs à la naissance de Jésus (le voyage à Bethléem, le recensement, l'attente de l'accouchement), la Nativité proprement dite, l'Annonce aux bergers et l'Adoration des mages.

La Nativité, proprement dite, rassemble Marie, Joseph, l'Enfant Jésus, les bergers, les anges et les rois mages le jour de l'Épiphanie.

Le thème de la Nativité apparaît très fréquemment à l'époque médiévale, mais aussi à la Renaissance, en raison de ses liens avec la liturgie chrétienne. Par ailleurs, ce choix iconographique permet de célébrer la Vierge au même titre que son fils.


Représentations anciennes de la Nativité
Les plus anciennes représentations paléochrétiennes de la Nativité connues datent du IIIe siècle, mais c'est surtout aux IVe et Ve siècles qu'elles deviennent plus nombreuses. Une scène d'Adoration des mages dans la catacombe de Priscille remonte au IIIe siècle. Cette catacombe abrite aussi une fresque du IIe siècle de la Vierge Marie, tenant l’Enfant Jésus dans ses bras et à sa gauche, un prophète. Cette peinture est la plus ancienne représentation mariale et pourrait évoquer la Nativité car il semble qu'elle est en train d’allaiter Jésus. Découverte dans les catacombes de Saint-Sébastien à Rome, une peinture murale orne la chambre mortuaire d'une famille chrétienne ayant vécu aux environs de 380, Jésus étant représenté emmailloté dans des bandelettes funéraires qui évoquent sa nature humaine et mortelle. Une autre mention fait référence à une scène peinte sur un sarcophage de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, représentant l'adoration de l'Enfant Jésus par les mages. Mais l'essentiel des représentations remonte au Moyen Âge et de très nombreux peintres y ont trouvé leur inspiration.

- La représentation la plus ancienne de la Nativité ?
basilique Sainte-Marie-Madeleine de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume 


*   *   *




Saint-Joseph. Icône melkite



Exhortation apostolique Redemptoris Custos § 11.12


La circoncision
La circoncision d'un fils était le premier devoir religieux du père par ce rite (cf. Lc 2, 21), Joseph exerce son droit et son devoir à l'égard de Jésus. Le principe selon lequel tous les rites de l'Ancien Testament ne sont que l'ombre de la réalité (cf. He 9, 9-10; 10, 1) fait comprendre pourquoi Jésus les accepte.
Comme pour les autres rites, celui de la circoncision trouve en Jésus son « accomplissement ». L'alliance de Dieu avec Abraham dont la circoncision était le signe (cf. Gn 17, 13), atteint en Jésus son plein effet et sa réalisation parfaite, car Jésus est le « oui » de toutes les anciennes promesses (cf. 2 Co 1, 20).

L'imposition du nom
A l'occasion de la circoncision, Joseph donne à l'enfant le nom de Jésus. Ce nom est le seul nom dans lequel se trouve le salut (cf. Ac 4, 12) ; et sa signification avait été révélée à Joseph au moment de son « annonciation » : « Tu lui donneras le nom de Jésus, car c'est lui qui sauvera le peuple de ses péchés. » (Mt 1, 21.)
En lui donnant son nom, Joseph manifeste sa paternité légale à l'égard de Jésus et, en prononçant ce nom, il proclame la mission de sauveur qui est celle de l'enfant.



Extraits de 
Redemptoris Custos § 11.12, Jean-Paul II (Pape Jean-Paul II)